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Amal El Fallah Seghrouchni : “L’éducation est au cœur de notre stratégie nationale de transformation numérique”

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Comment évaluez-vous l’intégration actuelle des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les pratiques pédagogiques au Maroc ?

L’intégration des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation au Maroc progresse de manière significative, mais elle appelle encore des efforts soutenus pour devenir un levier structurant de transformation pédagogique.

Des avancées concrètes ont été réalisées. La plateforme MASSAR est aujourd’hui généralisée et couvre plus de 12 millions d’élèves. Elle permet de suivre les parcours, gérer les évaluations, automatiser des démarches administratives, et interconnecter le système éducatif avec d’autres services publics, notamment pour l’accès aux aides sociales ou aux concours de recrutement. Dans cette dynamique, le Digital Lab, lancé conjointement avec le ministère de l’Éducation nationale est tout aussi important. Ce laboratoire, premier en son genre, a pour vocation de développer des solutions numériques alignées sur les priorités de la réforme éducative. 

Par ailleurs, notre ministère a lancé, en partenariat avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation et Oracle, un portail de parcours de formations et de certifications en juillet 2024, afin d’offrir des parcours de formation et des certifications gratuites pour les étudiants et les professeurs au niveau des universités publiques marocaines dans des domaines portant sur des technologies numériques émergentes, telles le cloud computing, les bases de données, le développement et l’intelligence artificielle. L’objectif étant d’offrir des compétences reconnues à l’international pour améliorer l’employabilité des diplômés. À fin juin 2025, 7.425 apprenants ont été inscrits pour les formations proposées et 1.302 certifications ont été obtenues. 

Les initiatives ne manquent pas, mais il n’en demeure pas moins vrai que cette transformation ne peut reposer uniquement sur l’action publique. Elle exige une mobilisation collective, impliquant les startups, les chercheurs, les universités, les entreprises technologiques et les investisseurs. Le premier défi est celui de l’alignement stratégique. Les logiques de marché, les rythmes d’innovation ou les modèles économiques ne coïncident pas toujours avec les besoins pédagogiques du service public. Le second défi tient à la capacité d’inscrire les contributions des acteurs non étatiques dans les orientations éducatives nationales.

Et c’est pour justement répondre à ces enjeux que nous avons lancé des initiatives complémentaires :

– Le réseau des instituts JAZARI, dédiés à l’intelligence artificielle, par exemple, sont conçus comme des passerelles entre le monde académique et l’innovation digitale. Cette initiative a pour ambition de transformer les résultats scientifiques en solutions opérationnelles, directement exploitables par les startups, les PME et les grandes entreprises technologiques. Le premier institut sera implanté dans la région de Guelmim-Oued Noun. Ce centre pionnier aura pour vocation de valoriser la recherche appliquée, de renforcer la coopération entre universités, entreprises et institutions publiques, et de favoriser l’intégration de l’intelligence artificielle dans des secteurs stratégiques adaptés aux spécificités du territoire, tels que l’agriculture, les énergies renouvelables, l’économie bleue, le tourisme et les services publics, notamment la santé à travers les technologies Health Tech.

Dans le prolongement de cette dynamique, un deuxième JAZARI INSTITUTE sera établi à Nador, dans la région de l’Oriental, à la suite d’un protocole signé entre le Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA), le MESRI, la Wilaya de l’Oriental, le Conseil régional de l’Oriental et la Préfecture de Nador. Ce nouveau centre s’inscrit dans une stratégie de déploiement territorial équilibré des capacités nationales de recherche, d’innovation et de formation avancée. Il contribuera à développer un écosystème technologique ancré dans les réalités locales, en réponse aux besoins économiques et sociaux de la région.

On compte également le lancement des écoles de codage YouCode, inclusives et professionnalisantes, ou encore le Programme national AI master junior. Ce programme a été lancé en partenariat avec le Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le Ministère de l’Économie et des Finances, et l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). L’objectif étant de renforcer l’accès des enfants âgés de 8 à 18 ans au savoir numérique et aux concepts de l’intelligence artificielle à travers un contenu simplifié et interactif.

L’éducation est au cœur de notre stratégie nationale de transformation numérique. Elle figure parmi les secteurs prioritaires identifiés dans le cadre de la stratégie Maroc digital 2030, qui vise à moderniser les services publics, renforcer notre souveraineté technologique et stimuler l’économie numérique. L’investissement dans la formation numérique est une priorité. Nous avons créé plus de 140 filières spécialisées dans les technologies numériques au sein des universités publiques, et lancé le programme JobInTech, qui prévoit de former 15.000 jeunes aux métiers du numérique d’ici 2026. 

Dans le même cadre, le MTNRA a signé, lors de la 3ème édition du Gitex Africa Morocco, un Mémorandum d’Entente avec et CompTIA Inc, acteur de référence à l’échelle mondiale dans la certification des compétences IT. L’objectif de ce partenariat est de déployer, à grande échelle, des programmes de certification au profit des étudiants et des diplômés en reconversion vers les métiers du digital. Ces formations porteront sur des domaines clés tels que la cybersécurité, les sciences des données, l’Intelligence Artificielle ou encore le Cloud Computing.

Selon vous, quels sont les principaux défis à relever pour renforcer l’impact des réformes sur le terrain ?

Il faut assurer une meilleure formation continue des enseignants, renforcer l’interopérabilité avec d’autres secteurs comme la santé ou la protection sociale – par exemple, pour le partage sécurisé d’informations liées au carnet de santé de l’élève –, et relier plus étroitement la recherche, l’innovation technologique et les usages pédagogiques concrets. Notre approche est progressive. Elle repose sur l’expérimentation, le dialogue avec les acteurs du terrain, et le déploiement ciblé de solutions éprouvées.

Pensez-vous que l’usage du numérique peut contribuer à améliorer les résultats scolaires et réduire les inégalités éducatives au Maroc ?

Oui, je le pense fermement. Le numérique peut jouer un rôle central dans l’amélioration des résultats scolaires et dans la réduction des inégalités éducatives au Maroc. Il permet de diversifier les approches pédagogiques, de mieux capter l’attention des élèves et d’adapter les contenus à leur rythme et à leurs besoins. Cela renforce l’efficacité de l’enseignement, notamment pour les élèves en difficulté. Mais l’apport le plus structurant reste sa capacité à rapprocher le savoir de ceux qui en sont éloignés. Grâce aux outils numériques, un élève dans une zone rurale peut accéder aux mêmes ressources pédagogiques qu’un élève en milieu urbain. Il peut bénéficier de contenus interactifs, de cours à distance, et d’un accompagnement individualisé, là où l’offre éducative est parfois limitée.

Cela dit, le numérique doit s’inscrire dans une démarche structurée et progressive. Cela passe par un investissement dans les infrastructures, une formation continue des enseignants, un accompagnement des élèves, et la mise à disposition de contenus pédagogiques adaptés.

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